CDD d’usage successifs requalifiés, la Cour de cassation gardienne du bon sens

Par un arrêt dont les faits fleurent la farce, la Cour de cassation rappelle la position qu’elle tient ferme quant au recours par un employeur à des CDD d’usage de manière successive, répétée avec un même salarié.

 

Pour rappel, les emplois dits « d’usage » sont ceux pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret, par convention ou par accord collectif de travail étendu, il est considérer comme d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère temporaire de ces emplois (art. L.1242-2, 3° du Code du travail encadrant la conclusion de CDD et L.1251-6, 3°, encadrant le recours au travail temporaire).

 

Le recours régulier aux CDD successifs est donc autorisé, dans certaines limites, dans les domaines suivants :

  • Les exploitations forestières ;
  • La réparation navale ;
  • Le déménagement ;
  • L’hôtellerie et la restauration, les centre de loisirs et de vacances ;
  • Le sport professionnel ;
  • Les spectacles, l’action culturelle, l’audiovisuel, la production cinématographique, l’édition phonographique ;
  • L’enseignement;
  • L’information, les activités d’enquête et de sondage ;
  • L’entreposage et le stockage de la viande ;
  • Le bâtiment et les travaux publics pour les chantiers à l’étranger;
  • Les activités de coopération, d’assistance technique, d’ingénierie et de recherche à l’étranger ;
  • Les activités d’insertion par l’activité économique exercées par les associations intermédiaires prévues à l’article L.5132-7 du Code du travail ;
  • Le recrutement par les associations et entreprises de services à la personne de travailleurs pour les mettre, à titre onéreux, à la disposition de personnes physiques dans le cadre du 2° de l’article L 7232-6 du Code du travail ;
  • La recherche scientifique réalisée dans le cadre d’une convention internationale, d’un arrangement administratif international pris en application d’une telle convention, ou par des chercheurs étrangers résidant temporairement en France ;
  • Les activités foraines. 

Une limite générale : une telle dérogation se justifiant par la nature discontinue de l’activité exploitée, le recours à de tels contrats est subordonné au caractère temporaire de l’emploi alors occupé par le salarié (Cass. soc., 23 janvier 2008, n° 06-44197, publié au bulletin de la Cour).

 

EN l’ESPECE,

2 années et demi durant, et par le biais de 15 CDD d’usage successifs à l’exception d’une interruption entre le 30 juin et 5 septembre de la même année, un organisme de formation embauche une formatrice pour des temps de travail variant entre temps plein et temps partiel à 56%.

Ayant rompu la relation de travail après une proposition d’un contrat supplémentaire à temps partiel, la salariée saisie la juridiction prud’homale en requalification des contrats successifs exécutés.

Les juges du fond font droit à sa demande et procèdent à la requalification en CDI.

Ceux-ci retenant en effet, la continuité de fait de l’exercice, par la salariée, de la même fonction correspondant à l’activité de l’employeur, au même poste, en une même zone géographique, considèrent comme ayant disparu le caractère temporaire exigé d’une telle relation contractuelle.

Le pourvoi alors formé par l’employeur, arguant de l’illégitimité des preuves retenues et du caractère exceptionnel de la situation de la salariée au vu de sa convention collective et de son activité, est écarté par la Cour de cassation qui rappelle la compétence souveraine des juges du fond et la parfaite légalité de la décision alors rendue.

 

Cette position qui n’a rien de nouveau, cette problématique étant redondante (Cass. soc., 9 avril 1996, n° 94-42173 concernant des enseignants dispensant leurs cours de façon permanente sans autre interruption que celle des vacances scolaires), démontre le net manque de maîtrise et de vue, de certains opérateurs, des modalités contractuelles dérogatoires alors exclusivement perçues comme sources d’opportunités économiques sans aucune appréhension de leurs cadre et limites. 

Frédéric Rougon, Juriste

 Sources :