Budgets du CE : fin de la référence au compte 641

Dans deux arrêts datant du 7 février 2018 (n°16-24.231 et n°16-16.086), la Chambre sociale a opéré un revirement de jurisprudence concernant le calcul des budgets du comité d’entreprise, s’alignant sur le régime issu des ordonnances « Macron », elles qui n’envisageaient que les futurs CSE.

 

 

EXPLICATION

Les budgets annuels du CE (fonctionnement et activités sociales et culturelles) étaient calculés sur la base de la masse salariale brute de l’entreprise de laquelle étaient défalquées certaines sommes.

Cette masse salariale de référence était celle inscrite au compte 641 « Rémunérations du personnel » des comptes de l’entreprise.

Il fallait alors prendre en compte les indemnités légales et conventionnelles de licenciement, de départ et de mise à la retraite et de préavis, ainsi que les gratifications versées aux stagiaires et les provisions à valoir sur toutes sommes de nature salariale (Cass. soc., 31 mai 2016, n° 14-25.042).

Les indemnités transactionnelles et les indemnités de rupture conventionnelle devaient, elles aussi, être intégrées à la masse salariale de référence, dans la limite toutefois du montant des indemnités légales ou conventionnelles de licenciement (Cass. soc., 22 mars 2017, n° 15-19.973).

Cette assiette de calcul n’était pas celle ordinairement adoptée par les entreprises, qui se référaient généralement à la Déclaration Annuelle des Données Sociales (DADS), laquelle n’inclut pas certaines rubriques figurant au compte 641.

Ainsi naissait de ce décalage un problème : la « masse salariale » résultant du compte 641, intégrant aussi des sommes n’ayant pas à proprement parler la nature juridique de salaire, modifiait la base de calcul des budgets des comités d’entreprise et causait un abondant contentieux et une résistance de nombreux juges du fond.

Porté par le nouveau régime législatif  institué par voie d’ordonnances et s’imposant au seul CSE, la Chambre sociale décide ainsi d’abandonner sa référence au compte 641 au bénéfice de la notion de « gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale, en application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ».

Désormais, la masse salariale à prendre en compte pour le calcul des budgets du CE s’aligne sur celle du CSE telle que prévue par l’article L. 2315-61 du Code du travail, lui-même faisant référence au Code de la sécurité sociale.

 

LES ENJEUX

D’après cet article L. 242-1, l’assiette des cotisations de sécurité sociale est constituée par l’ensemble des sommes versées et avantages en nature consentis aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail (par exemple les salaires ou gains, les primes, les avantages en nature octroyés aux salariés, etc).

N’étant pas soumises à cotisations de sécurité sociale, les indemnités légales et conventionnelles de licenciement et de retraite n’ont plus à être prises en compte par l’employeur. Il en sera de même pour les indemnités de rupture conventionnelle et les indemnités versées dans le cadre d’une transaction dès lors qu’elles ne sont pas soumises à cotisations.

Pareillement, les sommes versées au titre d’un accord d’intéressement ou de participation n’entrent pas dans l’assiette de calcul des budgets du comité d’entreprise car elles ne constituent pas une rémunération et ne sont pas soumises à cotisations de sécurité sociale.

Jusqu’à présent, la jurisprudence considérait que la rémunération des travailleurs venant d’entreprises extérieures devait être intégrée à la masse salariale de référence de l’entreprise utilisatrice dès lors que ces travailleurs étaient intégrés de manière étroite et permanente à la communauté de travail de l’entreprise utilisatrice.

Désormais, les salaires des travailleurs mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice entrent bien dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale mais dans celle de leur employeur uniquement. L’entreprise utilisatrice qui n’a pas à les déclarer à l’Urssaf, n’a donc pas à les intégrer dans la masse salariale de référence pour le calcul des budgets de son CE.

 

Lilas LAHMIDANI, Juriste

 

Sources :  

–              Cour de cassation, Chambre sociale, 7 février 2018, n°16-24.231, publié au bulletin

–              Cour de cassation, Chambre sociale, 7 février 2018, n°16-16.086, publié au bulletin

–              Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mai 2016, n°14-25.042, publié au bulletin

–              Cour de cassation, Chambre sociale, 22 mars 2017, n°15-19.973, publié au bulletin