Action de groupe, la « class action » à la française peut être engagée en cas de discrimination

young woman lawyer at work Introduite en droit français par la Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (« Loi Hamon »), l’action de groupe se limitait aux cas d’atteintes au droit de la consommation et au droit de la concurrence causant un préjudice matériel aux victimes demanderesses en justice.
L’intérêt alors présenté étant de garantir l’accès au juge pour des litiges dont le montant en jeu, pris individuellement, ne pouvait faire raisonnablement l’objet d’une demande en justice.

La Loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 dite de modernisation de la justice du XXIème siècle, elle, en élargit le champ et, au-delà, en établit le cadre général, afin que le législateur puisse à l’avenir choisir de l’ouvrir ou non à des contentieux de nature différentes.

A ce jour, est ainsi fixé par la loi le régime général de l’action de groupe en matière de discrimination (art. 86 de la loi) et est définie la procédure propre à une telle action en justice pour discrimination dans les relations de travail (art. 87 de la loi).

Ce qui limite, aujourd’hui, à ces seuls domaines le contentieux concerné par cette nouvelle modalité de recours en justice.

De manière synthétique, les dispositions générales applicables à cette action de groupe peuvent être résumées ainsi :

Entrée en vigueur

  • Seules les actions dont le manquement ou le fait générateur de la responsabilité (préjudice, né du manquement à des obligations légales ou contractuelles, pour sa réparation) est postérieur au 20 novembre 2016, date d’entrée en vigueur de la loi, sont recevables.

Demandeurs à l’action :

  • Une organisation syndicale de salariés représentative

o lorsque plusieurs salariés ou plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation font l’objet d’une discrimination ;

  • Une association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap

o exclusivement, cette fois, lorsque plusieurs candidats à un emploi, à un stage font l’objet d’une discrimination.

Conditions :

Préalablement à l’exercice de l’action, les personnes concernées doivent demander à l’employeur, par tout moyen conférant date certaine à cette demande, de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée.

Dans un délai d’1 mois, à compter de la réception de cette demande, l’employeur doit en informer le CE (ou, à défaut, les délégués du personnel) et les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise.
A leur demande, l’employeur est alors tenu d’engager une discussion** sur les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination.
Ce n’est qu’à l’issue d’un délai de 6 mois (au lieu du délai de 4 mois dans le cas général) à compter de cette demande préalable ou de la notification par l’employeur de son rejet que l’action de groupe peut être engagée devant le TGI.

** Conséquence, seuls devraient être indemnisables les préjudices nés après la réception de la demande préalable effectuée auprès de l’employeur, exception faite de ceux subis par des candidats à un emploi, un stage ou à une période de formation.
Les préjudices nés avant cette demande ne pourront faire l’objet d’une réparation que par la saisine du Conseil de prud’hommes par les salariés les ayant subis.

Le Législateur n’a pas précisé le cadre dans lequel cette discussion devra être menée, tant concernant les interlocuteurs de l’employeur que concernant la forme, que celle-ci devra prendre.
Pour autant, les instances représentatives du personnel centrales dans cette procédure, semblent devoir y jouer un rôle.

Introduction de l’action en justice :

  • L’action s’exerce devant le Tribunal de Grande Instance, 
  • par plusieurs personnes placées dans une situation similaire,
  • alléguant subir un dommage causé par une même personne
  • ayant commis un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles à leur égard.

De sorte qu’en matière de relation de travail, la loi reconnait une telle action :

  • aux organisations syndicales de salariés représentatives devant la juridiction civile compétente,
  • au bénéfices des candidats à un emploi, un stage ou à une période de formation en entreprise ou à plusieurs salariés,
  • faisant l’objet d’une discrimination directe comme indirecte imputable au même employeur 
  • et fondée sur un même motif au sein de ceux listés à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 (art. L.1132-1 du Code du travail) à savoir :

o Leur origine, sexe, situation de famille, grossesse, apparence physique, particulière vulnérabilité de la personne résultant de sa situation économique, patronyme, lieu de résidence, état de santé, perte d’autonomie, handicap, caractéristiques génétiques, mœurs, orientation sexuelle, identité de genre, âge, opinions politiques, activités syndicales, appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée.

La loi ajoute un nouveau motif, la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français (article 86).

Objectif :

  • Obtenir la reconnaissance du manquement,

o Soit afin qu’en soit exigé la cessation

– Par injonction du juge qui fixera un délai, prendra toutes les mesures utiles à cette fin et notamment pourra prononcer une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor Public.

o Soit afin que soit engagée la responsabilité de la personne ayant causé les préjudices allégués afin d’en obtenir réparation. Le juge définissant alors :

 – Le groupe de personnes créancières de cette réparation,
 – Les critères de rattachement à ce groupe,
 – Les préjudices* précis à réparer pour chacune des catégories de personnes le constituant,
  – Et le délai dans lequel les personnes répondant aux critères de rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement sur la responsabilité peuvent adhérer au groupe (« opt in ») en vue d’obtenir réparation de leur préjudice.

o Soit en vue de ces deux objectifs.

*En matière de discrimination au travail, le Code du travail visant, de manière expresse, la réparation des préjudices moraux.

Frédéric ROUGON, Juriste

Sources :