Accord aménageant les délais de consultation du CSE : attention à tout prévoir !

La Chambre sociale refuse de faire une application distributive des règles issues d’accords conclus dans l’entreprise d’une part, et du Code du travail d’autre part 1. En effet, elle a rappelé que la prorogation automatique des délais de consultation du CSE du fait de la désignation d’un expert n’était pas applicable dans le cas où le CSE et l’employeur auraient conclu un accord portant sur l’aménagement des délais en la matière.

Les délais réglementaires en matière de procédure d’information-consultation du CSE

Le Code du travail régit la procédure d’information-consultation du CSE.

Cette procédure vise à informer le CSE afin qu’il rende un avis éclairé à propos de divers sujets ou projets qui lui sont soumis. Cet avis peut être défavorable ou favorable ; peu importe, il n’est que consultatif. Cela signifie que l’employeur qui recueille l’avis n’est pas dans l’obligation d’en suivre la voie.

Il existe deux types de consultations :

  • ponctuelles, c’est-à-dire portant sur des projets précis dont la liste générale figure à l’article L.2312-8 du Code du travail ;
  • récurrentes, c’est-à-dire, conformément à l’article L.2312-17 du même code, portant sur :
    • la situation économique et financière de l’entreprise ;
    • les orientations stratégiques de l’entreprise ;
    • la politique sociale, les conditions de travail et d’emploi de l’entreprise.

L’information transite par le biais de la Base de Données Economiques, Sociales et Environnementales (BDESE) dans le cadre des consultations récurrentes.

Le législateur a pris soin d’enfermer cette procédure dans des délais. En effet, le CSE n’a pas tout son temps pour rendre un avis. Dès la communication des informations par l’employeur (article R.2312-5 du Code du travail), alors il dispose, selon l’article R.2312-6 :

  • d’un mois en principe, au-delà duquel,  à défaut, il est réputé avoir rendu un avis défavorable ;
  • de deux mois dans le cas où il désigne un expert pour l’aider à rendre un avis éclairé ;
  • de trois mois lorsque la consultation doit être menée tant au niveau du CSE central qu’au niveau des CSE d’établissement, le cas échéant.

Cependant, ces délais ne sont applicables qu’en l’absence d’accord aménageant les délais de consultation (article L.2312-16 du Code du travail). En effet, différents accords permettent d’aménager ces délais :

  • un accord d’entreprise conclu dans les conditions de l’article L.2232-12 du Code du travail ;
  • un accord entre l’employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité.

 

Pas d’application de l’article R.2312-6 du Code du travail en cas de conclusion d’un accord portant sur les délais

Dans l’affaire étudiée, l’avis n’avait pu être recueilli au terme du délai d’un mois. L’employeur avait transmis les informations le 30 septembre. Le 30 octobre, du fait de l’impossibilité de recueillir l’avis du CSE, l’employeur consent une nouvelle réunion le 12 novembre.

De ce fait, le dernier jour du délai de consultation, le CSE et l’employeur avaient conclu un accord définissant un nouveau terme (le 12 novembre) à la procédure de consultation. A cette date (le 12 novembre), le CSE désignait un expert sur le fondement de l’article L.2315-91 du Code du travail, estimant n’avoir eu suffisamment d’informations. Le CSE voulait voir prorogé le délai, passant d’un à deux mois comme en dispose l’article R.2312-6. Il s’agit alors d’une décision unilatérale du CSE quant à la prorogation du délai.

L’employeur a donc saisi le tribunal aux fins d’annulation de la délibération désignant l’expert. Il estime que :

  • le CSE ne peut proroger le délai par décision unilatérale ;
  • la décision unilatérale de prorogation est tardive ;
  • il appartient au CSE de saisir le président du tribunal s’il estime l’information transmise insuffisante.

Le jugement rendu n’a pas fait droit à la demande de l’employeur. Selon ce dernier, la désignation de l’expert au jour de la seconde réunion (dernier jour du délai de consultation) a pour effet de proroger le délai, passant alors de 1 à 2 mois, à compter de la mise à disposition des informations par l’employeur au CSE (jusqu’au 30 novembre). Ainsi, le CSE peut rendre son avis jusqu’au terme du délai réglementaire de 2 mois du fait de la désignation d’un expert. 

La Chambre sociale casse et annule le jugement rendu par le Président du tribunal judiciaire.

Elle considère que l’employeur et le CSE ont conclu un accord aménageant les délais de consultation. A ce titre, les règles applicables en matière de délai à défaut d’accord ne s’appliquent pas. Il n’est pas question, en dehors du cas où les parties le prévoient expressément, de proroger le délai de manière rétroactive à compter de la mise à disposition des documents par l’employeur, du fait de la désignation d’un expert. Les règles de l’article R.2312-6 ne sont applicables qu’à défaut d’accord. Ce, peu importe qu’il ne règle pas tous les points abordés par ce texte.

 

Conseil de l’expert : pensez à prévoir la prorogation des délais en cas de désignation d’un expert dans le cas de conclusion d’un accord aménageant les délais de consultation !

 

Fanny Jean, Juriste/Consultante experte CSE

 

  1. Chambre sociale, Cour de cassation, 29 juin 2022