Avancée quant à la nature de l’accord de constitution d’une UES

La Cour d’appel de Versailles 1 a récemment statué sur la question de la nature de l’accord de constitution d’une UES. Jusqu’à présent, la Cour de cassation estimait que la validité de l’accord relevait des conditions de droit commun.

La loi ne définit pas l’Unité économique et sociale (UES). La Cour de cassation a alors affirmé 2 qu’il s’agissait d’un regroupement de plusieurs entités juridiques distinctes et dont on remarque :

  • des activités similaires ou complémentaires ;
  • une concentration du pouvoir de direction ;
  • une communauté de travailleurs, du fait de leur statut social ou de leurs conditions de travail, dont peut résulter une certaine permutabilité.

 

Reconnaissance d’une Unité Economique et Sociale (UES)

L’article L.2313-8 du Code du travail dispose qu’une UES est reconnue par accord collectif ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes. Le texte ne dit donc rien du niveau de négociation de l’accord.

Dans un arrêt de 2013 3, la Cour de cassation avait décidé que les syndicats signataires devaient être représentatifs au sein des entités constitutives de l’UES. A défaut de précision supplémentaire, l’incertitude persistait quant au niveau de négociation.

Les juristes ont pu émettre plusieurs hypothèses :

  • conclusion de plusieurs accords dans le même sens au sein des différentes entreprises ;
  • conclusion d’un seul accord au niveau de l’UES, considérée comme une entreprise. Cependant, étant encore inexistante au moment des négociations, l’accord ayant précisément pour objet de la constituer, l’hypothèse nous semble critiquable.

 

L’accord constitutif d’UES serait un accord interentreprises

En 2016 4, le législateur intègre deux dispositions relatives à un accord conclu au niveau de plusieurs entreprises. Il s’agit donc d’un accord dit interentreprises. En effet, selon les articles L.2232-36 à 38 du Code du travail :

  • les organisations syndicales représentatives à l’échelle de l’ensemble des entreprises négocient et signent l’accord avec les employeurs ;
  • l’on apprécie leur représentativité par addition de l’ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises lors des dernières élections ;
  • l’on apprécie les taux de validité d’un accord à l’échelle de toutes les entreprises du périmètre de négociation.

L’UES nécessite la conclusion d’un accord et regroupe plusieurs entités juridiquement distinctes. Ainsi, il semble logique qu’elle soit issue d’un accord conclu par les organisations syndicales représentatives du périmètre considéré. Pour mesurer la représentativité, on additionne les suffrages obtenus dans les différentes entités du périmètre.

C’est exactement ce qu’a décidé la Cour d’appel de Versailles le 20 janvier 2022, considérant :

  • d’une part, que ledit accord doit être négocié entre des entreprises juridiquement distinctes, constituant alors un accord interentreprises ;
  • d’autre part, de ce fait, qu’il convient d’appliquer les conditions de validité d’un accord selon les dispositions relatives à l’accord interentreprises (articles L.2232-36 et 37, ainsi que L.2122-1 à L.2122-3 relatifs à la représentativité) ;
  • enfin, on obtient le seuil de 10% par cumul des voix obtenues dans chaque entreprise ou à l’échelle de l’ensemble des entreprises constituant la future UES.

 Saisie d’un pourvoi concernant l’arrêt d’appel, la Cour de cassation se prononcera sur le sujet !

Fanny Jean, Juriste/Consultante experte CSE

  1. Cour d’appel de Versailles, 20 janvier 2022, n° RG 21/02009 ;
  2. Chambre sociale, Cour de cassation, 18 juillet 2000 ;
  3. Chambre sociale, Cour de cassation, 14 novembre 2013 ;
  4. Loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.