PSE : le contentieux relatif à la communication d’informations à l’expert-comptable relève du juge administratif
La communication des pièces demandées par l’expert-comptable à l’employeur dans le cadre de la procédure d’information-consultation du CE propre à la mise en place d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) doit être adressée à l’autorité administrative et par suite au juge administratif, conformément au bloc de compétences administratif qui régit le contentieux des PSE.
Depuis la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, le juge administratif s’est vu confier le soin de veiller sur les PSE.
La loi a instauré un bloc de compétences réservée au seul juge administratif en décidant, en substance, à l’article L. 1235-7-1 que :
- « l’accord collectif (éventuellement conclu avec les organisations syndicales et portant sur les éléments du PSE),
- le document élaboré (unilatéralement, en cas d’échec des négociations) par l’employeur (…),
- le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi,
- les décisions prises par l’administration (…)
- et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d’homologation (de l’accord éventuel précité). »
« Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ».
Ainsi, rappelons que, déjà dans un arrêt du 22 juillet 2015 dit « Pages jaunes », le Conseil d’Etat avait alors énoncé que « le juge administratif doit le cas échéant trancher lui-même toute question qui commande la légalité de la décision d’homologation ou de validation, même si cette question soulève un litige qui est normalement de droit privé ».
Nous retrouvons la même configuration dans un arrêt récent de la Chambre sociale de la Cour de cassation datant du 28 mars 2018 (n° 15-21.372) mettant fin aux débats sur la compétence des juridictions.
Le juge administratif, du fait de sa large compétence en matière de PSE attire à lui le contentieux qui, en principe, devrait lui échapper.
En l’espèce
Une société présente un projet de restructuration à son Comité d’Entreprise qui désigne dans le même temps un expert-comptable. Le 14 novembre 2014, l’administration refuse d’homologuer le document unilatéral relatif à la mise en œuvre des licenciements et au contenu du PSE, ce qui conduit la direction à présenter un mois plus tard un nouveau projet, comme le prévoit l’article L. 1233-57-7 du Code du travail.
Le Comité d’Entreprise désigne à nouveau le même cabinet d’expert-comptable qui se voit refuser par l’employeur la communication de pièces. L’expert ne rend pas son rapport, le CE considère qu’il ne peut rendre son avis, ce qui s’interprète alors en un avis négatif.
Le cabinet d’expert prend alors la décision de saisir le TGI afin d’obtenir les documents sollicités pour réaliser sa mission tandis que parallèlement la DIRECCTE homologue le nouveau document unilatéral présenté par l’employeur.
Deux procédures parallèles :
Sur le volet expert-comptable, la Cour d’appel saisie (juge judiciaire), se déclare compétente.
Sur le volet PSE, le tribunal administratif (juge administratif) d’abord, puis la Cour administrative d’appel saisie, rejettent la demande du CE en annulation de la décision d’homologation.
La Cour de cassation intervenant alors considère que la procédure ouverte auprès du juge judiciaire relevait d’une erreur de compétence et que seul le juge administratif pouvait se prononcer sur la sollicitation du cabinet d’expertise comptable face à la réticence de la direction .
Ainsi pour la Haute Cour deux périodes sont à distinguer:
- Avant la décision administrative, soit pendant la phase d’élaboration du PSE, la communication des pièces à l’expert-comptable doit faire l’objet d’une demande d’injonction auprès du TGI, juge judiciaire (L. 1233-57-5 du Code du travail) par le CE.
- Après la décision administrative, si l’on est en présence d’un litige, ce dernier relève de la seule compétence du juge administratif. Le CE ne peut saisir que le tribunal administratif.
Compétence étendue des juridictions administratives
La position n’est pas nouvelle, le Conseil d’État a décidé dans plusieurs arrêts que les questions relatives à l’expert-comptable du CE devaient être tranchées par le juge administratif (notamment CE, 21 oct. 2015, n° 385683 ; 21 oct. 2015, n° 382633 ; 23 nov. 2016, n° 388855). L’administration doit s’assurer que l’expert-comptable a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d’entreprise de formuler son avis en connaissance de cause.
A titre conclusif
L’ordonnance dite « Macron » n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a créé un nouvel article L. 1233-35-1 du Code du travail selon lequel :
« Toute contestation relative à l’expertise est adressée, avant transmission de la demande de validation ou d’homologation prévue à l’article L. 1233-57-4, à l’autorité administrative, qui se prononce dans un délai de cinq jours. Cette décision peut être contestée dans les conditions prévues à l’article L. 1235-7-1 3 ».
Lilas LAHMIDANI, Juriste
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