Le projet de M. Macron pour remettre le travail En Marche !

Véritable pilier de notre société en ce qu’il a vocation à rééquilibrer les rapports nés du travail, en ce qu’il influe sur la vie personnelle, notre jeune droit du travail grandit au cœur des polémiques.

Une fois n’est pas coutume, l’alternance politique ne rimera pas inéluctablement avec alternance juridique. Le nouveau président de la république entend poursuivre et renforcer les réformes sociales engagées par son prédécesseur.

Au menu des mesures phares projetées : réformer le code du travail par ordonnance, donner une place centrale à la négociation collective d’entreprise et étendre les dispositions protectrices du droit du travail au non-salariés.   

À l’exception de ce dernier point, ces intentions s’inscrivent dans la droite lignée des lois Macron, Rebsamen et El Khomri, qui elle-même accélèrent le mouvement amorcé depuis les années 1980 tendant à faire gagner du terrain au droit négocié et à conférer plus d’autonomie aux partenaires sociaux.

Ces trois lois ayant été élaborées dans le cadre d’une procédure accélérée, leur contexte d’adoption lui-même s’inscrit dans le cadre d’un marathon parlementaire. Les phases estivales de boulimie législative de la législature sortante traduisent l’urgence à remédier à un chômage devenu endémique.

Si initialement M. Macron ne croyait pas à la réforme par ordonnance, tiré de l’enseignement des recours à l’article 49.3 du gouvernement sortant, il entend désormais accélérer le pas en réformant des lignes sensibles du droit du travail par ordonnance dès cet été.

L’objectif ? Renouer avec une croissance durable, rendre les entreprises plus efficaces rapidement,  ce qui passe par l’allégement des sources de rigidité en entreprise, souvent perçues comme obstacles à la prise de décision.

Généraliser la négociation d’entreprise part de la conception selon laquelle les partenaires sociaux, les acteurs de l’entreprise sont les mieux placés pour choisir le cadre dans lequel ils évoluent. Au cœur des polémiques autour de la loi Travail, la question de l’articulation des normes en droit du travail suscite de nombreuses difficultés nées de l’intense activité législative sur cette zone singulièrement nerveuse.

C’est dans cette direction parsemée de mines sociales qu’Emmanuel Macron entend aller :

La législation sociale par ordonnance

Quelles différences avec le 49-3 ?

Si la voie de la législation par ordonnance prévue par l’article 38 de la Constitution est un moyen plus rapide que l’engagement de la responsabilité du Gouvernement via le 49-3, elle n’en demeure pas moins plus fragile. En effet, les ordonnances n’ont pas force de la loi et peuvent ainsi être contestées devant le juge administratif. Légiférer par ordonnance implique d’abord l’adoption d’une loi d’habilitation par le Parlement.

Concrètement cela signifie que le gouvernement doit obtenir du Parlement une habilitation à légiférer par ordonnance sur des sujets et une durée prédéterminées. Bien entendu une majorité à l’Assemblée est pré-requise. Ensuite, l’ordonnance est adoptée en Conseil des ministres, après avis consultatif du Conseil d’État.

Cette habilitation a pour effet de faire perdre au Parlement sa compétence d’amendement dans le champ de la loi d’habilitation ainsi adoptée.

Dans cette hypothèse, M. Macron serait habilité à légiférer pour simplifier le droit du travail :  réviser les seuils sociaux, renforcer la place de l’accord majoritaire d’entreprise, fusionner les instances représentatives du personnel et instituer un plancher et un plafond en matière d’indemnités prudhommale.

Simplifier le droit du travail

On se souviendra du programme présenté en Conseil des ministres en novembre 2015 intitulé « Simplifier. Négocier. Sécuriser un Code du travail pour le XXIème siècle » partant du postulat que le Code ne remplirait plus sa fonction première : protéger les salariés et sécuriser les entreprises.

Le but ?  Réformer en profondeur le Code du travail et rétablir la confiance des acteurs dans ce Code. Le Code serait construit d’ici 2018 selon trois niveaux : l’ordre public, auquel aucun accord ne peut déroger, le champ de la négociation collective et les dispositions supplétives en l’absence d’accord.

La place du droit négocié et particulièrement celui de l’accord d’entreprise majoritaire n’a cessé de croître. Ce n’est pas non plus une nouveauté : le « petit droit du travail » tends à prendre le dessus sur le « grand droit » ces trente dernières années.

Comme les lois Macron et Rebsamen, la loi Travail n’était qu’une mise en bouche d’une forte tendance à donner plus de place à la négociation collective. Cette volonté de renforcer le rôle de la négociation collective d’entreprise, par accord majoritaire ou référendum sur la base d’un accord est au cœur de la réforme sociale envisagée par le nouveau président.

Généralisation de l’accord à majorité absolue – Rappelons à toutes fins utiles que jusqu’à la loi Travail, seul trois sujets, dont  les accords PSE et de maintien de l’emploi nécessitaient un accord majoritaire.  Cette généralisation illustre le renforcement du poids des accords d’entreprise.

Refondre le Code du travail – L’objectif d’une nouvelle architecture du Code du travail qui renforce la légitimité aux accords.  Il importe de rappeler que la loi du 8 août 2016, dite loi Travail instituait un nouveau Code du travail consacrant une place centrale à l’accord collectif qui devrait voir le jour d’ici 2018.

Plus exactement, une commission a été instituée aux fins de formuler ces préconisations avant cette date. Cette commission a pour mission de proposer une nouvelle architecture selon ledit tryptique, à l’intégralité du Code du travail. Elle devrait remettre ces travaux au Gouvernement d’ici août 2018.

En clair, la négociation collective et plus singulièrement celle au niveau des entreprises, est déjà au centre du nouveau Code du travail en devenir , qui est encore sous les feux des critiques.

France stratégie vient de remettre au Premier ministre un rapport « de préfiguration de la commission de refondation du Code du travail » dont pourrait s’inspirer Emmanuel Macron pour entreprendre la réforme du Code du travail prévue pour cet été.

Fusionner les IRP – La discrète loi Rebsamen du 17 août 2015 posait les premiers jalons de la rationalisation du dialogue social. Rapidité, simplicité… La dynamique économique suppose d’offrir ces garanties à l’entreprise. Avec cette réforme, le législateur avait tenté d’apporter ces clés.

En élargissant le périmètre de la DUP, en ouvrant la possibilité de regrouper les instances, cette loi a profondément réformé le droit des institutions représentatives du personnel.

Aujourd’hui, seules les entreprises de moins de 200 salariés peuvent regrouper les instances, sans avoir à passer par accord.

Pour pouvoir le faire, les entreprises d’au moins 300 salariés doivent conclure un accord majoritaire. Cette condition pourrait être supprimée, le regroupement des instances dans les entreprises deviendrait la règle, les instances séparées l’exception par accord. Depuis la promulgation de la loi Rebsamen en août 2015, nous recensons une quinzaine d’accords créant une instance commune. 

Encadrer les indemnités prud’homales – Actuellement, le barème des indemnités prud’homales en vigueur est indicatif. Le dédommagement d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l’exception des cas « graves » tels que la discrimination ou le harcèlement serait encadré par un plancher et un plafond.

Réduction des branches – dans l’esprit des réformes sociales précédentes, la restructuration des branches restent au menu. Alors que le gouvernement sortant projetait de passer à 700 à 200 branches d’ici 2019, le nouveau Président envisage d’avoir entre 50 et 100 branches.

Autre mesures phares qui méritent d’être signalées, la volonté de renforcer l’égalité professionnelle notamment par le déploiement des campagnes de test aux discriminations, la désignation publique des entreprises qui ne respectent pas l’égalité professionnelle et la publication du ratio d’équité des grandes entreprises.

D’autres mesures visant à rétablir les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, ou encore le remplacement du CICE par la réduction des cotisations sociales patronales font partie du plan de relance sociale d’Emmanuel Macron.

Didier Porte, secrétaire FO prévient déjà  « Nous nous rendrons à cette concertation pour réduire au maximum ce que contiendront les ordonnances (…) Nous sommes prêts à bouger ». Reste à savoir si l’adage selon lequel « La moins mauvaise loi est celle que les parties se forgent elles-mêmes » ne raviveront pas les tensions à la rentrée.  Gageons que celle-ci promet d’être placée sous le signe de l’animation sociale.

Maria Daouki, juriste

Source : programme d’Emmanuel Macron, Public Sénat, France inter