Communications syndicales dans l’entreprise, un accord d’entreprise obligatoire selon la CNIL

L’article 59 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 dit « Loi Travail » élargissait les possibilités de communications syndicales dématérialisées, dès le 1er janvier 2017, par voie d’accord d’entreprise en encadrant les modalités de diffusion au moyens des outils numériques à disposition dans l’entreprise. Une note de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) du 22 mars 2017 apporte les éclaircissements de l’autorité sur ce sujet.

 

 

 

 

LA CENTRALITE DE LA NEGOCIATION

 Si la « loi Travail » n’impose pas stricto sensu d’obligation de négocier préalablement concernant l’exploitation de l’intranet dans l’entreprise, la CNIL estime que l’accès par les organisations syndicales (OS) au réseau ainsi qu’à la messagerie électronique de l’entreprise ne peut être considéré comme légitime s’il ne résulte pas d’une négociation.

En effet, le législateur, lui, s’était borné à préciser à l’article L.2142-6 modifié du Code du travail :

  • Qu’« un accord d’entreprise peut définir les conditions et modalités de diffusion des  informations syndicales au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise, et donc, porter sur l’usage de l’intranet et de la messagerie de celle-ci par les organisations syndicales » ;
  • Qu’à défaut d’accord, « les organisations syndicales présentes dans l’entreprise et satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans peuvent mettre à disposition des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise, lorsqu’il existe ».

 

Notons que la lecture combinée de ces deux articles conduit effectivement à l’interprétation retenue par la CNIL, de sorte que contrairement à la position de la Cour de cassation (Cass. soc., 25 janvier 2005, n° 02-30946, publié au bulletin de la Cour) qui admettait qu’une simple autorisation de l’employeur suffisait, le recours aux outils numériques de l’entreprise par les OS semble donc dépendre de l’existence d’un accord sur ce point.

La facilitation attendue concernant les communications syndicales devant découler d’un accès simplifié aux outils numériques existant dans l’entreprise n’est donc en l’occurrence pas atteinte et certains se demandent si, malgré la nouvelle rédaction du texte, la position de la Haute Cour ne sera pas maintenue au profit des OS.

 

COURRIELS DE NATURE SYNDICALE ET DROIT D’OPPOSITION DES SALARIES A LEUR RECEPTION

La CNIL précise que :

  • les adresses de messagerie électronique affectées aux salariés ne peuvent être utilisées pour d’autres raisons que la mise à disposition de publications et tracts de nature syndicale

(Une note de l’autorité en date du 25 mai 2004 le précisait déjà et la Cour de cassation avait pu considérer qu’un accord d’entreprise pouvait limiter l’usage par les syndicats de cette messagerie aux seules informations syndicales en lien avec la situation sociale de l’entreprise – Cass. soc., 22 janvier 2008, n° 06-40514) ;

  • l’utilisation des outils numériques mis à leur disposition par les OS doit préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou refuser les messages  (ce qui suppose pour la CNIL que les salariés soit informés clairement et préalablement de la faculté d’utilisation de leur messagerie professionnelle à de fins syndicales afin qu’ils optent préalablement) et dès lors l’accord doit préciser les modalités d’exercice de cette faculté de s’opposer à de telles réceptions

 

(La CNIL relève ainsi qu’il serait opportun que chaque message précise clairement en objet son caractère syndical, comporte un rappel sur la faculté des salariés et ses modalités d’exercice pour que ceux-ci puisse, à tout moment, manifester leur volonté d’opposition) ;

 

CONFIDENTIALITE DES ECHANGES ET DES OPINIONS SYNDICALES 

Selon la CNIL, l’accord devra rappeler l’obligation de confidentialité pesant sur l’employeur et les OS et prévoir toute mesure de sécurité de nature à garantir cette confidentialité des échanges électroniques entre salariés et OS.

En outre, elle ajoute que l’employeur ne devrait pouvoir user d’aucun contrôle sur les listes de diffusion alors constituées, celles-ci pouvant révéler l’opinion favorable voire l’appartenance d’un salarié à un syndicat particulier sur la base du choix qu’il aura fait de recevoir ou non des messages des OS présentes dans l’entreprise.

 

EXIGENCES TECHNIQUES

Conformément aux termes de l’article L.2142-6, l’utilisation par les OS des outils numériques mis à leur disposition doit en outre être compatible avec le bon fonctionnement et la sécurité du réseau informatique de l’entreprise et ne pas avoir de conséquence préjudiciables à la bonne marche de cette dernière.

La CNIL précise à ce titre que ces dispositions légales découle des recommandations formulée dès 2001 dans son rapport sur la cyber-surveillance des salariés dans l’entreprise.

Notons que l’autorité ajoute que l’accès des Instances Représentatives du Personnel (membres du Comité d’entreprise, du CHSCT, délégués du personnel) devrait, être reconnu et organisé suivant les mêmes modalités (en dehors de toute précision de la sorte dans le corps de l’article précité).

Enfin, nous attirons également l’attention, bien que la CNIL ne le précise pas dans sa note ici présentée, que les communications syndicales sont soumise au respect des dispositions relatives à la presse prohibant toute injure, diffamation publique, fausse nouvelle et provocation.

Frédéric Rougon, Juriste

Sources :

 

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