Rapport annuel de la Cour de cassation, quelques pistes de réforme en matière sociale

Tout juste publié, le Rapport annuel de la Cour de cassation pour 2016 se propose d’offrir une revue des réformes proposées par la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français adoptées par le législateur avant d’énumérer ce que les magistrats considèrent comme les piliers du nouvel édifice à ériger en matière sociale.

 

 

 

 

Bilan des propositions antérieures misent en œuvre par le Législateur

Pêle-mêle, le rapport de la Cour revient sur 14 propositions exprimées précédemment dont aura su finalement se saisir l’Assemblée Nationale. Notamment,

  • Concernant « la négociation collective dans le cadre d’une représentation volatile »

Soulevant le risque d’une subsistance d’accords émanant d’organisations syndicales dont la représentativité a été remise en cause et ne reflétant, dès lors plus la volonté des premiers concernés, les rapports pour 2013, 2014 et 2015 proposaient que des dispositions légales appropriées soient adoptées notamment lorsque  de tels accords sont négociés et conclus par d’autres.

C’est chose faite puisque les articles L.2261-7 et L.2261-7-1 du Code du travail tels qu’issus de la Loi Travail prévoient les modalités de révision d’un accord collectif en cas de disparition des organisations syndicales signataires de l’accord.

  •  Concernant le traitement du contentieux prud’homal

Constatant les nombreuses condamnations prononcées en réparation des dommages causées par le fonctionnement défectueux du service de la justice, la juridiction proposait une réflexion approfondie sur le traitement du contentieux devant le Conseil de Prud’homme.

La loi Macron et un décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 sont ainsi intervenus retoucher la procédure prud’homale, s’alignant en grande partie sur les propositions formulées dans le rapport remis à la garde des sceaux par M. Alain Lacabarats, président de chambre à la haute Cour, le 16 juillet 2014

  • Concernant la protection de la santé et de la sécurité des salariés dans le cas d’une convention collective prévoyant la mise en place de forfaits en jours

En vue de la mise en conformité du droit français aux exigences constitutionnelles et européennes, les rapports antérieurs de la Cour préconisaient que soient clairement et précisément rappelées dans l’accord collectif ou la convention collective les dispositions de nature à assurer la bonne répartition, dans le temps, du travail des salariés concernés et qu’en toute hypothèse, s’imposent les dispositions relatives au repos journalier et hebdomadaire à ces salariés.

Le corps législatif en a pris acte puisque ce principe a été inscrit à l’article L.3121-64 tel qu’issu de la Loi Travail.            

 

Nouvelles propositions faites au Législateur

3 des nouvelles réformes proposées par la haute juridiction doivent ainsi être présentées. Soit,

  • L’érection d’une protection spécifique à certains élus locaux dans le Code du travail

En effet, si la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 envisageait effectivement que soient protégés contre le licenciement les

– Maires et adjoints aux maires de communes de plus de 10 000 habitants ;

– Membres d’un conseil d’arrondissements des communes de Paris, Marseille et Lyon ;

– Présidents et vice-présidents ayant délégation de l’exécutif du conseil départemental ;

– Et les présidents et vice-présidents ayant délégation de l’exécutif du conseil régional ;

Lorsqu’ils n’ont pas cessé d’exercer leur activité professionnelle, cette protection, prévue au Code général des collectivités territoriales qui effectue renvoi au Code du travail, ne trouve pas leur reflet au sein de ce dernier. Dès lors, comme le révélait une question prioritaire de constitutionnalité (Cass. soc., 14 septembre 2016, QPC n° 16-40223, publié au bulletin de la Cour), se pose un problème d’identification des dispositions applicables à ces bénéficiaires.

  • Le transfert au TGI du contentieux des élections professionnelles

Ainsi serait renforcé le bloc de compétence de la juridiction qui, il faut le rappeler, tranche le contentieux afférent à la négociation collective et à l’application des accords collectifs (en cas de départition prud’homale, lorsque les membres du bureau de jugement n’ont pas pu se départager pour parvenir au prononcé d’un jugement) dans le contexte, insiste la juridiction, « de la montée en puissance de la norme conventionnelle comme source du droit du travail ».

Cela, au-delà, conforterait sa position de principale juridiction de l’ordre judiciaire compétente en matière sociale, le contentieux de la sécurité sociale lui ayant été transféré, et remédierait à la dispersion du contentieux social.

  • L’octroi d’indemnités journalières au salarié déclaré inapte à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle

Le rôle d’une telle indemnité étant d’assurer la « soudure » – selon la Cour – entre la période de suspension du contrat de travail afférente à l’arrêt consécutif à l’accident du travail ou à la maladie professionnelle, et la décision que l’employeur doit prendre (reclasser ou licencier) dès lors que le salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail lors de l’examen médical de reprise. 

Cette indemnité ne peut, en effet, actuellement être versée qu’après mise en œuvre de la procédure d’expertise médicale technique lorsqu’il existe un différend sur l’origine professionnelle de l’inaptitude (Cass. 2e civ. 24 novembre 2016 n° 15-19925).

Dès lors, est préconisée la modification de l’article L.433-1 du Code de la sécurité sociale en vue de permettre que la caisse, sans avis préalable du contrôle médical, puisse décider le rétablissement de l’indemnité journalière temporaire dès lors que le médecin du travail a déclaré inapte la victime d’un tel événement lorsqu’elle en réclame le bénéfice.

 

Patience est donc, à notre sens, de rigueur pour voir si le légiférant décide effectivement de se servir des briques humblement façonnées par le prétoire.  

 Frédéric Rougon, Juriste

Sources :

 

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