La place centrale de la négociation collective sur le fonctionnement du CSE

La négociation du CSE est vivement encouragée car la loi n’octroie pas de pouvoir unilatéral aux employeurs, ce qui érige la négociation collective en pilier fluidifiant le fonctionnement de cette instance aux moyens légaux limités.  Les entreprises investissant dans le dialogue social, en concluant des accords de fonctionnement du CSE avec des normes adaptées à leur besoin disposeront d’une nette longueur d’avance en terme d’efficacité par rapport à celles qui se limiteront à appliquer strictement le code du travail.   

Une instance aux moyens de fonctionnement insuffisants en l’absence de négociation

Alléger et de simplifier l’architecture des IRP dans toutes les entreprises –  Pour les entreprises, deux avantages principaux : Le CSE comporte moins de sièges que la délégation du personnel puisque sa mise en place emporte une réduction du nombre de représentant du personnel à partir d’un certain seuil d’effectif. Moins de sièges, donc moins d’heures de délégation et d’interlocuteurs.  

Un fonctionnement à négocier – La loi laisse ainsi entre les mains des partenaires sociaux la liberté de négocier les attribution et modalités de fonctionnement du CSE, ses attributions telle que la périodicité et le contenu des consultations récurrentes,  les délais pour rendre des avis,  mais aussi le  support d’information (BDES). Aussi, les moyens attribués au fonctionnement CSE,  le nombre de membres, le nombre de réunions, des heures de délégation,  la durée des mandats, des réunions, mais aussi la succession des mandats (entreprise de moins de 300 salariés) peuvent relever de la négociation.

Il revient ainsi aux partenaires sociaux de déterminer fonctionnement ; à défaut de quoi, s’appliqueront les dispositions réglementaires.

Selon l’étude d’impact, le nombre de mandat de représentants du personnel passerait à terme de 36 000 à 24 000 (7).   Le Ministère souligne que l’objectif n’est pas de réduire le nombre de mandats mais explique que la séparation des instances antérieure limitait la capacité à des élus à influer sur la stratégie de l’entreprise.  Cependant, et le gouvernement l’admet lui-même en érigeant comme exemple des accords supra légaux (BHV, PSA, Renault), les minimas légaux du CSE restes insuffisants. 

Le CSE est promu comme un outil permettant d’une connaissance approfondie de l’entreprise plus pertinent dans la mesure où les élus disposeront de toutes les informations en même temps. 

Les commissions du CSE : La loi prévoit, au maximum, sept commissions composées des membres du CSE.   Il est possible de créer de toute pièce : De nouvelles commissions (ainsi que leur rôle, leur périmètre, leur fonctionnement, les rapports avec le CSE,  leur composition, leurs moyens, la fréquence de leur réunion) Il est aussi  possible de modifier les règles applicables aux commissions obligatoires : en les structurant pour faciliter les travaux, en leur confiant des moyens en personnes pour les regrouper et renforcer la cohérence du paysage IRP (8)

Le CSE peut se doter de commissions pour l’examen de sujets particuliers. Mais leur mise en place doit, là encore, faire l’objet d’un accord d’entreprise. Soulignons que l’institution des commissions ne relève donc plus de la propre initiative du CSE, comme auparavant pour le CE mais bien de la négociation collective.

La loi ne définit pas ce qu’est le représentant de proximité (RP) La loi ne prévoit que leur protection. L’instauration d’un représentant de proximité, dont la définition du rôle est entièrement laissée aux mains des partenaires sociaux illustre la place déterminante de la négociation collective et cristallise les effets de son absence.  Il lui revient de créer de toute pièce le rôle du représentant de proximité (9) Aussi bien dans ses réunions, échanges avec le CSE et l’employeur, que dans les délais encadrant les travaux, ses moyens ou encore ses modalités de circulation dans les locaux. Et même dans ses modalités de désignation par le CSE(10)

Une instance modulable à souhait par la voie de la négociation collective

Aussi, le coût du Dialogue social pour l’entreprise se cristallise également autour des accords de droit syndical et de fonctionnement du CSE.

Il importe de souligner que la loi ne remplace aucune obligation d’information consultation du CSE, puisqu’il s’agit d’un regroupement des consultations (Trois blocs) et d’une centralisation d’informations (BDES). Autrement dit, l’ensemble des obligations récurrentes d’information-consultation du comité d’entreprise sont remplacées par trois rendez vous annuel. Le déroulement des consultations récurrentes reste inchangé à défaut d’accord, les coût des expertises restent à la charge de l’employeur. 

Dès lors, les entreprises qui ne saisissent pas l’opportunité de négocier peuvent potentiellement gagner à court terme en optimisant le coût immédiat du dialogue social mais perdre à long terme. En effet, concentré de prérogatives, le CSE mis en place unilatéralement présente le risque d’une hausse considérable de la charge de travail et du traitement accéléré des sujets. Les ordres du jour qui deviennent mixtes peuvent présenter des difficultés dans l’organisation des réunions – hors commissions- qui peuvent devenir interminables. 

Surtout, il faut garder à l’esprit qu’un dialogue social de mauvaise qualité peut être fortement nuisible à l’employeur qui refuse de négocier car il ne pourra adapter sa représentation du personnel à ses besoins, à son rythme.

Il faut également avoir en tête les dépenses annexes tels que le temps passé en réunion rémunéré comme du temps de travail, les frais de déplacements, d’hébergement, de bouche, la formation. Mais également celui des membres de la Direction, via, le personnel mobilisé, le temps passé à préparer les réunions et à y assister, les frais de déplacements, d’hébergement ou encore de bouche. Sans la négociation collective, l’employeur est tenu par les mêmes périodicités des consultations récurrentes, et les mêmes obligations que sous l’égide du CE. 

Partant, tout ou presque devient négociable.

Un nombre de réunion prioritairement négocié – L’accord collectif peut fixer, le nombre de réunions annuelles du CSE, avec un minimum de six par an. Sans accord, ce nombre est porté à douze. On voit bien là une marge de manœuvre importante.

Il s’agit ainsi d’appréhender les outils ouverts à la négociation. La loi établit des règles favorisant la rapidité dans le fonctionnement et responsabilise les partenaires sociaux. Il importe donc d’intégrer les outils nécessaires pour permettre leur efficacité : sécuriser les consultations en faveur des membres du CSE mais aussi de l’employeur permettre aux membres du CSE de se concentrer sur les sujets, encadrer les délais, sécuriser la BDES et son accès.  La négociation collective devient ainsi incontournable.

Lorsqu’une négociation collective exploite les possibilités offertes par les ordonnances pour instaurer un mode de fonctionnement basé sur des concessions réciproques et mutuelles, les employeurs comme représentants des salariés peuvent en tirer des bénéfices.

Mais il ressort des travaux qualitatifs portant notamment sur les accords CSE, menés par le comité d’évaluation  au premier semestre 2019 dans 40 entreprises que si la réforme permet de grandes libertés, le comité constate que les acteurs ne parviennent pas aisément à se détacher des anciens schémas.

Le réflexe de la négociation de a culture du dialogue social reste donc à instaurer aussi bien du côté des directions d’entreprise qui peuvent considérer être mieux servies par elles-mêmes et gagneront en efficacité sans les organisations syndicales que du côté des syndicats où s’engager peut être risqué pour l’évolution de leur carrière selon le baromètre des discriminations défenseur des droits (11)

Mais en se libérant de la concertation avec les représentants des salariés ou du personnel sur la manière dont fonctionne le CSE, l’employeur se prive des opportunités offertes par la loi.

 

Maria Daouki, juriste

[7] Art. L2312-14 C.trav al 2 «Les projets d’accord collectif, leur révision ou leur dénonciation ne sont pas soumis à la consultation du comité » 

[8] Cass. Soc. 5 mai 1998, n° 96-13.498 « le défaut de consultation du comité d’entreprise, qui peut être sanctionné par ailleurs selon les règles régissant le fonctionnement des comités d’entreprise, n’a pas pour effet d’entraîner la nullité ou l’inopposabilité d’un accord collectif d’entreprise conclu au mépris de ces dispositions et dont la validité et la force obligatoire demeurent soumises aux règles qui lui sont propres »

Cass. soc. 18-9-2019 n° 17-31.274 «le défaut de consultation annuelle du comité d’entreprise sur les décisions de l’employeur portant sur l’aménagement du temps de travail ou la durée du travail, exigée au titre des missions de cet organe concernant la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, qui peut être sanctionné selon les règles régissant le fonctionnement du comité d’entreprise, n’a pas pour effet d’entraîner l’inopposabilité de l’accord de modulation à l’ensemble des salariés de la société »

[9] Art L2315-41 C.trav pour la commission santé, sécurité et conditions de travail

[10] Art L2313-7 C.trav