Femmes, un congé supplémentaire peut vous être accordé

Qu’est ce qui peut bien justifier que les femmes bénéficient d’un congé auxquels les hommes n’ont pas droit ?

C’est sur cette question, exprimée trivialement, que la Cour de cassation a répondu dans un arrêt important rendu le 12 juillet 2017 estampillé PBRI.

Dans l’affaire qui nous occupe, un accord d’entreprise prévoit que les femmes bénéficient d’une demi-journée d’absence à l’occasion de la journée internationale des femmes.

Un salarié, conducteur de bus, se plaint d’être exclu de cet avantage réservé exclusivement aux femmes, et estime ainsi subir une discrimination en raison du fait qu’il soit un homme.

Sa demande tendant à obtenir des dommages et intérêt en raison de ce qu’il considère être une atteinte au principe d’égalité de traitement entre les sexes est rejetée en appel.

La Haute juridiction approuve cette décision et apporte des précisions qui étaient attendues sur ce sujet qui connaît des évolutions notables aussi bien en droit interne qu’en droit européen.

La Cour de cassation souligne que oui, les femmes peuvent bénéficier d’un congé spécifique prévu par accord, que les hommes peuvent tout à fait en être exclus en s’appuyant aussi bien sur le Code du travail que le Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) mais aussi et surtout sur un évènement particulier.

Raison numéro 1 :  Les différences de traitement sont justifiées lorsqu’elles visent à atteindre l’égalité des chances en matière économique et sociale

Les évolutions notables du droit interne mais aussi de la jurisprudence française et européenne sur la question ont inspiré la Cour de cassation.

Sur ces fondements, le principe est posé en des termes clairs : « un accord collectif peut prévoir au seul bénéfice des salariées de sexe féminin une demie-journée de repos à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, dès lors que cette mesure vise à établir l’égalité des chance entre les hommes et les femmes en remédiant aux inégalités de faits qui affectent les chances des femmes. »

Par là, la Cour de cassation rappelle la confiance investie dans les partenaires sociaux pour respecter le principe d’égalité de traitement.

Il est intéressant de relever que le juge européen se montrait assez restrictif il y a quelques années sur la notion d’égalité entre les hommes et les femmes. Au début, seules les mesures qui visaient à prendre en compte une situation biologique, telle que la grossesse ou la maternité étaient légitimes à justifier que les femmes bénéficient d’un congé supplémentaire. La France a même essuyé une condamnation pour avoir laissé une convention collective accorder une journée de congé lors de la fête des mères (CJCE, 25 octobre 1988, 321/86).

Ce n’est qu’un peu plus tard, en 1995 que la Cour de Luxembourg concédait certaines discriminations positives en faveur des femmes.

Aujourd’hui le paragraphe 4 de l’article 157 du TFUE exprime limpidement la règle : « pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter dans l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté, ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle »

Pour faire simple, oui, un accord collectif peut réserver un avantage spécifique aux seules femmes parce que le but, c’est d’atteindre une égalité des chances qui soit réellement effective.

La combinaison de cet article et des articles du titre IV du  Code du travail portant sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes a donné lieu à cet arrêt singulièrement significatif.

Arrêt dont on attendra les échos au cours des contentieux à venir portant sur la présomption de justification des différences de traitement instituées par voie d’accord…

Raison numéro 2 : La journée de la femme peut être un évènement propice à la réflexion sur la place de la femme dans l’entreprise

Sexisme ordinaire, disparités de rémunérations et retard de carrière sont pour les femmes une réalité dans l’entreprise.

L’émergence de la notion de « charge mentale des femmes », vient renforcer la reconnaissance de ces éléments.

Comme l’indique la note explicative de l’arrêt, nul besoin d’oracle pour savoir que les inégalités au travail entre les femmes et les hommes persistent et restent importante, aussi bien en terme de rémunération que de poste valorisants.  

En prenant soin de préciser que la journée des femmes dépasse largement les murs de l’entreprise, la Cour de cassation reconnaît néanmoins qu’elle représente l’une des opportunités pour s’interroger spécialement sur la situation des femmes au travail et de réfléchir aux moyens d’améliorer leur quotidien en entreprise.   

Nous ne pouvons que nous réjouir de cette position qui confère ainsi à ce jour-et aux autres- une portée qui transcende la symbolique cosmétique.

CS, 12 juillet 2017, n°15-26262

>Maria Daouki, juriste