Résiliation judiciaire du contrat de travail: les manœuvres d’intimidation de l’employeur pour contraindre le salarié à reprendre son poste sont déloyales

Par un arrêt à la publication restreinte car mêlé de droit et de faits, rendu le 11 mai 2017 (n°16-13437), les hauts magistrats confirment la position des juges d’appel qualifiant de déloyal l’employeur exerçant des manœuvres d’intimidation sur un salarié en arrêt de travail afin de le pousser à reprendre son poste.

 

 

Rappelons-le, si l’article L.1152-1 du Code du travail prévoit qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et l’article 222-33-2 du Code pénal sanctionnant pénalement le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant le même objet ou le même effet, tous deux exigeant que soient répétés les actes ou dires répréhensibles.

 

 

Or, les faits soumis à l’appréciation des juges ne leur permettaient manifestement pas de caractériser une telle répétition.

 

EN L’ESPECE,

Un salarié coffreur, exposé à l’amiante sans équipement de protection ni information spécifique pendant un chantier de plusieurs semaines, en arrêt de travail suite à la survenance d’un accident du travail est victime de pressions de la part de son employeur visant à le faire reprendre au plus tôt son activité.

Les éléments retenus par les juge du fond et reproduit par la Cour de cassation font ainsi état de visites au domicile des parents du salarié puis au domicile du salarié par le directeur des travaux accompagné d’un cadre de l’entreprise employeur. Visites dont la réalité n’était pas contestée mais qui trouveraient leur justification dans la bienveillance de l’employeur à l’égard de la santé du salarié, sans que l’employeur, retiennent les magistrats, n’en fasse la preuve.

Pour la Cour d’appel dont la décision est validée par la Cour de cassation, si les actes des représentants de l’employeur ne permettent pas de retenir la qualification pénale de harcèlement, ils s’agissait bien de manœuvres d’intimidation suffisamment graves pour faire obstacle à la poursuite de la relation de travail et justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail pour déloyauté au tors exclusifs de l’employeur.

 

L’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, insérée à l’article L.1222-1 du Code du travail par la Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 dite de « Modernisation sociale ».

L’exécution loyale du contrat de travail contraint l’employeur à ne pas abuser de ses pouvoirs de direction et d’organisation et à permettre aux salariés d’exécuter leur contrat de travail dans les meilleures conditions possibles.

En particulier, l’employeur doit organiser le travail en prenant en considération les intérêts des salariés ou, du moins, en évitant de leur causer un préjudice.

Le manquement de l’employeur à son exécution de bonne foi constitue une faute que le salarié peut faire sanctionner par une demande de dommages et intérêts ou , comme ici, en se plaçant sur le terrain de la rupture des relations contractuelles.

Avant l’intervention de ce texte, ledit Code ne comportait pas de disposition spécifique relative à la loyauté dans les relations de travail.

Pour autant, la Cour de cassation appliquait au contrat de travail le principe général s’appliquant aux conventions, défini par l’ancien article 1134 du Code civil (transférée, en substance, au nouvel article 1104 du Code civil profondément modifié par l’ordonnance n°2016-131 prenant acte des évolutions jurisprudentielles) qui disposait:

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

Devenue:

« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d’ordre public. »

Frédéric Rougon, Juriste

Sources :