Consultations récurrentes du CE, les délais préfix sont inopposables en l’absence de BDES

Dans un arrêt du 28 mars 2018 (n°17-13.081), la Chambre sociale de la Cour de cassation juge que la base de données économiques et sociales (BDES) étant le support de préparation de la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise, son absence de mise à disposition a pour conséquence de ne pas faire courir les délais impartis au comité d’entreprise pour rendre son avis.

 

 

En l’espèce

L’affaire qui nous occupe est la suivante :

Quatre mois après la communication par trois sociétés d’un groupe d’informations nécessaires en vue de la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise, le Comité d’Entreprise a saisi le Président du Tribunal de Grande Instance estimant que les informations délivrées étaient insuffisantes. La Cour d’appel retient que le Comité d’Entreprise a agi au-delà du délai préfix prescrit par les dispositions légales.

La Cour de cassation censure le raisonnement inexact des juges du fond au motif que l’employeur n’avait pas mis à disposition du Comité d’Entreprise la BDES, ce dont il résultait que le délai de consultation n’avait pas pu courir.

Etat actuel du droit

Dans l’exercice de ses attributions consultatives, le Comité d’Entreprise émet des avis et vœux, et dispose pour ce faire d’un délai d’examen suffisant.

La durée de la procédure de consultation du Comité d’Entreprise est encadrée par des délais préfix au-delà desquels, à défaut de s’être prononcés, les élus sont réputés avoir rendu un avis négatif (article L. 2323-3 Code du travail). Ces délais sont fixés par accord ou, à défaut, par voie réglementaire et ne s’appliquent qu’en l’absence de délais spécifiques prévus par la loi.

Ce dispositif a été validé dernièrement par le Conseil constitutionnel à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (Conseil constitutionnel, 7 août 2017, n°2017-652 QPC).

Lorsque les éléments d’information fournis par l’employeur ne sont pas suffisants, les membres élus du comité peuvent saisir le président du TGI statuant en la forme des référés pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants.

 

L’arrêt étudié énonce qu’en application du Code du travail, lorsque la loi ou l’accord collectif prévoit la communication ou la mise à disposition de certains documents nécessaires à la consultation, le délai ne commence à courir qu’à compter de cette communication. Ainsi, l’employeur qui n’a pas constitué la BDES ne peut reprocher au Comité d’Entreprise de n’avoir rendu son avis dans le délai imparti puisque le délai n’a jamais couru. Le juge pouvait ainsi être saisi à tout moment d’une demande de reprise de la procédure de consultation.

Rappelons que la BDES est également le support de préparation des deux autres consultations récurrentes : celle sur la situation économique et financière de l’entreprise et celle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi. La solution posée par la Cour de cassation s’applique à ces deux dernières. Le délai de consultation sera inopposable au Comité d’Entreprise si la BDES n’a pas été correctement constituée et alimentée.

A titre conclusif

Bien que la Cour de cassation ait statué sous l’empire des textes d’origine résultant de la loi de sécurisation de l’emploi de 2013, la solution conservera tout son intérêt pour les hypothèses actuelles de consultations récurrentes du Comité d’Entreprise et devrait pouvoir être transposée au futur Comité Social et Economique (CSE).

 

Lilas LAHMIDANI, juriste

Source :

  • Cour de cassation, chambre sociale, 28 mars 2018, n° 17-13081 (publié au bulletin de la Cour)