PSE ne visant que des non-cadres : le caractère majoritaire d’un accord exige que l’audience d’une organisation syndicale ne représentant que les cadres soit prise en compte

Par un arrêt d’importance rendu le 5 mai 2017 (n°389620), le Conseil d’Etat considère que le caractère majoritaire d’un accord collectif de PSE s’apprécie uniquement au regard de l’audience électorale des organisations syndicales représentatives signataires, peu important le fait que l’une d’entre elles, catégorielle, ne représente pas les catégories de personnel directement et exclusivement concernées par les suppression de postes envisagées.

 

 

 

 

Rappelons-le, en application de l’article L.1233-24-1 du Code du travail, un accord collectif peut déterminer le contenu du PSE, ainsi que les modalités de consultations du Comité d’Entreprise (CE) et de mise en œuvre des licenciements. Un tel accord, pour être valable, doit alors être signé par un ou plusieurs des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50% des suffrages exprimés en faveur de syndicats reconnus représentatifs au premier tour des dernières élections des titulaires au CE ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.

Notons qu’à défaut d’accord majoritaire, la procédure comme le PSE peuvent être unilatéralement fixés par l’employeur, qui devra consigner ses décisions au sein d’un document devant être homologué par l’administration.

En revanche, une telle procédure unilatérale ne pourra bénéficier des dérogations reconnues à un accord majoritaire et l’administration comme le juge exerceront sur son contenu un contrôle plus lourd qu’en présence d’un accord collectif. L’accord demeure, dès lors, la voie la plus favorable en termes de souplesse pour l’employeur.

 

Dès lors, que faire d’un accord majoritaire de PSE signé par une organisation syndicale ne représentant qu’une catégorie de personnel, les cadres, lorsque les postes dont la suppression est envisagée ne concernent que des salariés non-cadres ?

 

EN L’ESPECE,

Une entreprise, dans le cadre d’un projet de réorganisation de l’une de ses activités envisage le licenciement de 135 de ses salariés pour motif économique.

Un accord d’entreprise portant sur ce PSE et sur les autres mesures accompagnant le projet de réorganisation est signé par deux organisations syndicales représentatives dans l’entreprise :

–  l’une catégorielle, la CFE-CGC, ayant obtenu 36,8% des voix exprimées aux dernières élections professionnelles en faveur des OS représentatives ;

–  l’autre interprofessionnelle, la CFTC, ayant obtenu 17,1% des voix à ces mêmes élections.

L’autorité administrative, la DIRECCTE, considérant l’accord comme effectivement majoritaire, l’homologue.

Une troisième organisation syndicale, représentative dans l’entreprise, la CFDT, non signataire de l’accord, demande l’annulation de la décision d’homologation mais se voit déboutée en première instance comme en appel.

L’organisation se pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat afin que soit annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel et prononcé non majoritaire l’accord au sens de la loi, arguant de :

– l’impossibilité de relever l’audience du syndicat catégoriel pour considérer majoritaire l’accord, lorsque les suppressions d’emploi et licenciements envisagés portent exclusivement sur des salariés non-cadres ;

–  la nécessité en tout état de cause de prendre en compte l’audience des organisations signataires au niveau du seul établissement où se concentrait l’intégralité des salariés concernés.

 

Le Conseil d’Etat rejette les deux arguments.

Les hauts magistrats considèrent l’accord prévu à l’article L.1233-24-1 du Code du travail comme pleinement dérogatoire par rapport au accords de droit commun.

Dès lors, peu importe les catégories que leur statut leur donnent à représenter, les syndicats signataires représentatifs au niveau de l’entreprise eu égard à l’objet et à la portée de l’accord qu’ils concluent et au termes de l’article précité sont les seuls dont l’audience électorales doit être prise en compte pour statuer sur le caractère majoritaire de l’accord PSE.

 

En résulte que le fait qu’une opération de restructuration à l’origine d’un PSE ne concerne, d’une part, que certains établissements et, d’autre part, n’entraine de licenciements qu’au sein de certaines catégories de personnel à l’exclusion d’autres, ne fait pas obstacle à ce que soit prise en compte l’audience électorale de tous les syndicats représentatifs au niveau de l’entreprise.

Ce, y compris concernant les syndicats n’ayant statutairement pas vocation à représenter les salariés de l’établissement concerné ou les catégories professionnelles des salariés concernés.

 

Il semble donc possible à la lumière de cet arrêt qu’un syndicat puisse, lorsqu’il est à lui seul majoritaire, fixer les conditions de licenciement et de reclassement d’un groupe de salariés qu’il ne représente statutairement pas.

Au-delà, les principes énoncés par cet arrêt semblent à lecture pouvoir même aboutir, dans le cas d’un syndicat catégoriel majoritaire ou unique organisation représentative de l’entreprise, à lui faire signer seul un accord concernant l’intégralité des salariés, voire seulement des salariés qu’il ne représente pas. Ce qui serait alors diamétralement opposé à la position de la Cour de cassation sur les accords de droit commun (Cass. soc. 2 juillet 2014 n° 13-14622 publié au bulletin de la cour) même si de tels accord, nous l’avons vu, échappent de part leur caractère dérogatoire, aux règles du droit commun.

Frédéric ROUGON, Juriste

Sources :